
En conversation avec Claude Castéran, auteur de Vengeance au sommet
Avec son nouveau roman noir, « Vengeance au sommet », Claude Castéran fait
preuve d’une double fidélité : d’abord à Gypaète puisqu’il s’agit de sa 4 ème
fiction en 4 ans chez nous et ensuite à la vallée d’Aspe, où il vit une partie de l’année et qui demeure, livre après livre, son décor de prédilection.
La couverture montre un imposant vautour en vol. Ils représentent quoi dans l’histoire ?
La mort imminente et la dévoration ! Ce ne sont pas de doux poètes, ils ne sont beaux que lorsqu’ils volent. A terre, ce ne sont que des charognards lourdauds, attendant qu’une brebis ou une vache ait péri pour dévorer ses entrailles. Il se trouve que, dans mon intrigue, ils sont nombreux à chercher pareille aubaine près du chalet du personnage principal. Peut-être ont-ils un point commun avec lui ?
Ce personnage, c’est cet homme plus tout jeune qui veut se venger d’un mal ancien qu’on lui a infligé ?
Oui, le titre annonce la couleur. Chacune de mes fictions noires se développe sous le signe d’un sentiment négatif qui pousse à la folie. Ce fut la jalousie pour « La Griffe d’Aspe », la frustration pour « L’abri maléfique » et la cupidité pour « Traque sur le GR 10 ». Cette fois, c’est donc la vengeance qui sert de squelette au roman. Plus que de squelette d’ailleurs : elle en est aussi la chair !
Pourquoi la vengeance ?
C’est un sentiment qui « colle » à l’être humain depuis des siècles. Je reste frappé par la très forte présence dans l’actualité de cette émotion insubmersible et archaïque ! Et que dire du succès d’une des plus célèbres vengeances de la littérature française, « Le Comte de Monte Cristo » ? Il y a d’ailleurs dans mon histoire plusieurs références à ce monument.
Vous avez vu le film ?
Oui. A la sortie, on en a discuté avec des amis : « Dans la vraie vie, a estimé l’un d’eux, le désir de vengeance s’émousse avec le temps. Dumas ose tout ! ». « Pas du tout, a répondu un autre. Tu sous-estimes sa puissance. Je vais dire un truc horrible mais, quand un ancien collègue de bureau, qui m’a vraiment fait des coups tordus, est mort dans un accident de la route, 25 ans après les faits, j’étais comme soulagé, je me sentais vengé ». J’ai noté ces phrases sur un bout de papier qui ne m’a jamais quitté pendant l’écriture du livre.
Autre inspiration ?
Simultanément, début 2024, un vieil ami cinéaste, rangeant ses archives, m’envoie un bref synopsis datant des années 80 en me disant : « Fais-en ce que tu veux ! ». Il contenait une scène intéressante : aidé par son père, charismatique pêcheur de Saint-Jean-de-Luz, Arno fuit la France à la suite du meurtre d’un marin dans lequel il est impliqué. Ce qui ne va pas l’empêcher de réaliser plus tard son rêve : devenir pelotari à Miami. Cela faisait des années que je voulais écrire sur la pelote basque, un sport que j’adore et pratique toujours, notamment en vallée d’Aspe. Il y a longtemps, j’avais écrit un reportage sur un professionnel de cesta-punta, né à Mauléon et basé en Floride, intitulé « Le forçat de la pelote basque ».
Trump, Edmond Dantès, la fuite en Amérique, la pelote… C’est bien joli mais on est encore loin du livre tel qu’on l’a publié !
Vous avez raison mais le socle est là. L’inconscient va bosser, réunir ces éléments épars pour accueillir la vengeance et le meurtre dans un décor montagnard : j’introduis un nouveau personnage, Fraco, également impliqué dans le meurtre. Mais ce jeune orphelin mal dans sa peau ne pourra, lui, éviter la prison. Arno le laissera complètement tomber. La rage naît de là, elle ne refluera jamais. Je peux alors puiser dans ma « botte secrète » pour écrire l’histoire, à savoir le Haut-Béarn qui est pour moi une sorte de kit magique me fournissant odeurs, sons, visions ou mots à la carte, tout ce qui va donner une « âme » au roman.
Vous semblez bien connaître la diaspora basco-béarnaise ?
Ayant vécu aux Etats-Unis comme journaliste, j’y avais réalisé un reportage sur quelques-uns de ses membres, notamment en Californie. Annoncer que j’étais béarnais m’ouvrait toutes les portes ! Ils étaient ravis d’évoquer leur enfance au pied des Pyrénées et cherchaient par tous les moyens à maintenir vivant le lien avec leur origine.
On peut divertir et plonger dans les noirceurs de l’âme humaine ?
J’espère ! Mon intention première est simple : faire en sorte que le lecteur ou la lectrice ait envie de tourner les pages. C’est déjà la preuve qu’on ne s’ennuie pas. L’ennui, voilà l’ennemi du romancier ! Ensuite, j’aimerais bien que, tout en passant du bon temps, on se demande : « J’aurais fait quoi à la place de Fraco ? D’Arno ? De Gorka ? De Marie-Pierre ? D’Andoni ? J’aurais plutôt été dans quel camp ? ». Alors, le roman remplirait son rôle qui est de questionner nos vies, nos idées et nos émotions.
Dans une autre vie, quand il travaillait en tant que journaliste à Paris, Claude Castéran a écrit plusieurs livres sans rapport avec la montagne. Aujourd’hui retraité et de retour dans son Béarn natal, il se régale à creuser le sillon du roman noir pyrénéen.
Vengeance au sommet est son quatrième roman publié aux éditions, après La griffe d'Aspe (2022), L'abri maléfique (2023), et Traque sur le GR10 (2024). Ce dernier vient de recevoir la mention spéciale de la Fête du livre pyrénéen à Saint Lary (mai 2025). Vous pouvez trouver tous ces romans sur notre site via ce lien ou dans votre librairie préférée.
Premiers avis des lecteurs
Une lecture sans temps mort ; des lieux (Floride ou Californie) et des univers (pêche au thon ou pelote basque) qu’on visite ou découvre avec plaisir ; des personnages complexes et captivants (j’ai beaucoup aimé le « justicier » basque Andoni). Je me demandais en lisant comment cela allait finir : la dernière page est top ! Je vais envoyer le livre à ma tante qui habite San Francisco !
Marie-Luce
J’ai aimé le rythme de la narration, avec ses périodes de calme et de tempête. Le passage du temps – du fait d’une rencontre, un homme est brutalement ramené à sa jeunesse tragique - se fait par le biais de sautes chronologiques bien négociées qui se succèdent inexorablement. On s’attache à ce solitaire qui vit en montagne, loin de tout, plein de doutes malgré sa cruauté apparente, mais aussi à sa victime qui va payer cher son éternelle immaturité. Du point de vue romanesque, c’est très réussi.
Michel